Forum des 100 - 2023

SQ

Silvia Quarteroni

Ingénieure

Pionnière en intelligence artificielle

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Cette spécialiste reconnue est l’une des responsables du Swiss Data Science Center, situé à l’EPFL. Elle est aujourd’hui au cœur des transformations induites par l’IA. Une dizaine de sortes de cafés différents, puis un nombre incalculable de paramètres pour choisir l’intensité, l’arôme ou encore le volume du café… La machine a de quoi déboussoler le visiteur. «Il y a une très forte culture du café ici», sourit Silvia Quarteroni en nous accueillant au Swiss Data Science Center (SDSC). Comme son nom le laisse suggérer, cette pionnière en intelligence artificielle (IA) est originaire du sud des Alpes. Aujourd’hui, l’ingénieure est l’une des responsables du SDSC, situé au Quartier de l’Innovation, sur le site de l’EPFL. Silvia Quarteroni, comme la centaine de ses collègues, est au cœur de la transformation numérique induite par l’intelligence artificielle, avec pour mission d’insuffler cette technologie au sein des entreprises, de l’université et de l’administration publique. Et pourtant, rien (ou presque) ne prédestinait Silvia Quarteroni à embrasser une carrière dans la technologie, avec des études littéraires, près de Milan, concentrées sur le latin et le grec. «Presque», car avec un père devenu mathématicien à l’EPFL et une mère médecin, la jeune femme baigne dans un environnement scientifique. «Lorsque mes parents ont déménagé en Suisse, j’ai décidé de changer radicalement de voie en m’inscrivant à l’EPFL, en informatique. Comme j’avais obtenu la note maximale au gymnase, je pouvais entrer directement. Mais il m’a fallu beaucoup m’accrocher au début, je ne connaissais rien en programmation…» Dès le départ, Silvia Quarteroni voulait «comprendre le fonctionnement des moteurs de recherche, qui en étaient à leurs débuts. Je voulais voir comment les machines pouvaient comprendre le langage naturel. C’étaient les débuts de l’intelligence artificielle appliquée à l’économie d’internet.» «Avoir un impact» L’étudiante décroche son bachelor, puis obtient son master, orienté sur l’apprentissage automatique et les modèles de traitement de langage – exactement les précurseurs des ChatGPT, Bing de Microsoft et autres Bard de Google récemment lancés. «J’ai obtenu une bourse de doctorat à l’Université de York pour me spécialiser dans le machine learning appliqué aux systèmes interactifs de question-réponse, avant d’aller poursuivre de la recherche à l’Université de Trente puis au Politecnico de Milan, où j’ai notamment travaillé sur le dialogue homme-machine et les interfaces en langage naturel, les ancêtres des chatbots actuels.» Puis, «à 30 ans, j’ai eu envie de résoudre des problèmes industriels, aider des clients et avoir un impact significatif», poursuit la chercheuse. Elle œuvre alors six ans chez ELCA, groupe informatique basé à Lausanne, où elle occupe plusieurs postes toujours liés à l’analyse de données et au langage naturel. Puis, en 2019, elle rejoint le SDSC, une coentreprise créée deux ans plus tôt par l’EPFL et l’EPFZ, qui a pour mission d’accélérer l’adoption de la science des données en Suisse – ceci par le biais d’outils d’intelligence artificielle tel le machine learning, notamment auprès des entreprises. «Concret et enthousiasmant» Pour Silvia Quarteroni, ce centre est la synthèse de ses passions. «Notre but, c’est de permettre aux entreprises, au secteur public, aux ONG et à d’autres pans du milieu académique de mieux utiliser l’IA. Nous recevons des mandats de nos clients pour résoudre des cas d’usage métier. C’est concret, enthousiasmant et nous avons un véritable impact sur la société.» Bühler, Firmenich, Adecco, Richemont, Merck, le CICR ou encore le CHUV comptent parmi les collaborations du SDSC. «Par exemple, un groupe pharmaceutique veut atténuer les effets secondaires d’un médicament en exploitant mieux les données dont il dispose, poursuit l’experte. Nous avons aussi permis à une entreprise active dans le domaine alimentaire d’optimiser la consommation énergétique de ses usines de maltage, grâce à la science des données. Les domaines d’activité sont infinis.» Mais le but du SDSC n’est pas de concurrencer des entreprises de consultants informatiques. «Ce qui me plaît beaucoup avec notre centre, c’est que nos clients nous mandatent pour résoudre des problèmes qui n’ont jamais été traités, et nous apportons des réponses innovantes. Nous ne sommes pas un intégrateur, ce n’est pas notre mission d’industrialiser les solutions trouvées. Et le but, c’est que les entreprises ainsi que nos collaborateurs montent en compétence et créent un milieu favorable à l’économie, ou au monde académique.» A la recherche de l’efficacité Fort de ses succès, après deux mandats successifs de quatre ans octroyés par la Confédération, le SDSC obtiendra en 2025 le statut d’infrastructure nationale permanente. «C’est une très belle reconnaissance de notre travail, estime Silvia Quarteroni. Nous voyons que beaucoup d’entreprises tentent d’utiliser des outils d’IA préconçus par des géants de la tech, mais ils ne sont pas toujours adaptés à leurs besoins. C’est pour trouver des solutions sur mesure que nous sommes très efficaces.» Les demandes des clients ont explosé depuis l’arrivée de ChatGPT, fin novembre 2022. «Cette démocratisation de l’IA a un côté très bénéfique, je suis très positive car j’estime que de nombreux problèmes pourront être résolus ainsi. Les entreprises commencent à prendre conscience de tout ce qu’elles peuvent faire grâce à l’IA, même si de nombreux dirigeants ne savent pas vraiment par quoi commencer pour augmenter leur efficacité», poursuit Silvia Quarteroni. Tant à faire N’y a-t-il pas le risque de voir l’Europe déclassée face aux solutions américaines qui envahissent le marché? «Bien sûr, les sociétés qui possèdent les données deviennent les champions de l’IA, c’est un fait, estime l’experte. Ce n’est pas une calamité. Et nous pouvons développer des solutions locales, suisses ou européennes, pour répondre à des problèmes précis. En Suisse, nos produits et services possèdent une excellente image en termes de qualité. Pourquoi ne développerions-nous pas des services basés sur l’IA qui correspondent à cette excellence? En tout cas, j’aimerais voir de la part des entreprises suisses davantage d’appétit et d’envie pour des services basés sur l’IA. Il y a tant à faire!» Profil 1981 Naissance. 1999 Inscription àl’EPFL. 2004 Diplôme en informatique. 2008 Obtention du doctorat. 2008-2012 Chercheuse. 2012-2019 Responsable chez Elca. 2019 Débuts au Swiss Data Center. Anouch Seydtaghia
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