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Pierre-Olivier Chave
Entrepreneur
Fanatique de l’innovation et de la bonne gouvernance
Pierre Olivier Chave incarne une génération qui a forgé le succès industriel suisse et passe aujourd’hui le relais. Pour assurer la pérennité de son entreprise, il a mis en place une gouvernance exemplaire.
Vous ne connaissez pas Pierre Olivier Chave? Le principal intéressé ne s’en offusquera pas. Il ne cache pas apprécier œuvrer dans l’ombre. Par nature, mais aussi par pragmatisme économique: «Nous travaillons beaucoup avec l’industrie du luxe qui a besoin de visibilité ce qui n’est pas notre cas», glisse le fondateur du petit empire chaux-de-fonnier PX Group. Cette année, il n’a pas complètement réussi à éviter le faisceau des projecteurs, en mettant en place un système de gouvernance exemplaire pour assurer la pérennité du groupe qu’il a fondé il y a 47 ans.
«Tu es complètement fou de te lancer maintenant, me disait-on à l’époque», se souvient Pierre Olivier Chave, installé dans une salle de séance de son entreprise active dans la métallurgie. Le siège social n’a pas bougé mais la société s’est bien étoffée puisque les quelques personnes qui l’ont mise sur les fonts baptismaux ont fait place à 600 employés. Environ deux-tiers d’entre eux travaillent dans les Montagnes neuchâteloises, tandis qu’un site de production ouvert dans les années nonante en Malaisie occupe quelque 200 personnes. Des activités à faible valeur ajoutée, trop coûteuses pour la Suisse, y sont réalisées.
L’histoire a donc donné tort aux Cassandres de l’époque. A leur décharge, le pari de l’ingénieur vaudois spécialisé dans la micromécanique et la construction de machines paraissait à haut risque. Il entendait alors développer des alliages innovants pour l’horlogerie suisse, une industrie qui, frappée de plein fouet par la concurrence japonaise, luttait alors pour sa survie. Il faudra attendre quelques années et le lancement de la Swatch pour que la branche renaisse de ses cendres et forge le succès qu’on lui connaît aujourd’hui.
La découverte des «gueules noires»
Les premières années n’ont pas toujours été faciles, concède d’ailleurs volontiers aujourd’hui celui que ne jure que par l’industrie et sa «création de valeur», évoquant les premières grosses commandes d’acier émises sans certitude du «lendemain». Les avancées réalisées dans la performance et la résistance de l’inox - encore très imparfaitement maîtrisé à l’époque - se révèlent payantes.
Il faut dire que ce fils d’enseignants vaudois n’a rien d’un novice dans le secteur. A la fin de ses études, l’Ingénieur en mécanique s’exile dans l’Oberland bernois pour rejoindre Metallwerke Selve, alors leader suisse dans le travail des métaux cuivreux. Pierre Olivier Chave découvre une véritable armée de l’ombre qui nourrit la vorace société industrielle du XXe siècle et est mandaté pour étudier une nouvelle installation de coulée continue. «Ça a été mon premier contact avec les «gueules noires», se souvient-il avec tendresse. Des gens qui travaillent jour et nuit dans des conditions très difficiles pour sortir des produits semi-finis». Avant d’ajouter: «J’étais le col blanc de l’équipe mais j’ai réussi à créer un climat de confiance avec ces ouvriers qui éprouvent un certain dédain pour ces profils».
Visiblement, le jeune homme d’alors fait en effet ses preuves puisqu’on lui propose la direction d’une fonderie à Thoune. Poste qu’il refuse, préférant ajouter une nouvelle corde à son arc en rejoignant Metalor à Neuchâtel. Il passera cinq années denses au sein de ce groupe qui produit notamment des lingots d’or. En parallèle, le futur chef d’entreprise peaufine ses connaissances et sa compréhension des matériaux à l’Université au sein de l’équipe du professeur Willy Form, une sommité.
Le grand saut
En 1976, le voilà donc prêt à franchir le pas et à créer «son» entreprise. Il lorgne d’abord la région lémanique mais se replie très vite dans la métropole horlogère neuchâteloise. Un «désert» à l’époque. Hewlett-Packard qui veut produire une montre calculette sera le premier client qui se montre séduit par son inox. « Leur produit n’a d’ailleurs pas été un grand succès », relève au passage l’industriel.
Il en ira tout autrement de Precinox qui croît et devient PX Group, en 1983. «L’entreprise a décollé lentement», décrit Pierre Olivier Chave. Après quelques années, elle réussit son entrée dans le domaine très sensible des métaux précieux. La recette du succès? «Nous avons créé notre propre savoir-faire», répond-il, en complétant: «Je crois que je suis un fanatique de l’innovation. Et le matériau est une partie fondamentale de ce processus» Titane, inox, or… Son groupe propose quelque 250 alliages, soit… Le même nombre que dans les années nonante! Ce qui appelle une petite précision: «L’évolution n’est pas forcément visible mais nos semi-produits sont devenus beaucoup plus résistants et performants». Un exemple: après des années de recherche et de développement, des alliages amorphes - qui n’ont pas de structure - sortent aujourd’hui des ateliers, offrant une résistance à toute épreuve. L’horlogerie n’est depuis longtemps plus le seul marché visé. PX Group compte huit sociétés spécialisées dans le dentaire, l’outillage, le recyclage ou la fabrication de lingots d’or.
Ne comptez pas sur Pierre Olivier Chave pour vous faire de grands discours et de belles promesses en matière de durabilité. A son échelle et par petits pas, il tente de faire évoluer les pratiques, en toute discrétion. Par exemple avec la filière d’approvisionnement d’or éthique au Pérou qui a été mise en place. Son ambition: garantir une extraction respectueuse de l’environnement, une parfaite traçabilité, ainsi qu’une réelle amélioration des conditions de vie des communautés minières locales. «Je ne vise pas une croissance à tout prix. Si nous n’arrivons pas à trouver des sources de matériau propre, nous limiterons nos ambitions», note celui qui relève aussi l’énorme potentiel de l’économicité pour les matières comme l’énergie.
Ayant passé le témoin exécutif à ses deux fils il y a dix ans, l’entrepreneur préside le conseil d’administration de PX Group et a organisé sa succession, en créant une fondation industrielle qui gère une partie du capital de l’entreprise, également ouvert à certains employés «Je suis en train de construire une responsabilité partagée, conclut Pierre Olivier Chave. Car pour ce libéral responsable qui milite pour une place industrielle suisse forte juge que le monde d’aujourd’hui est «trop complexe pour un patron solitaire».
Profil
1943 Naissance à Lonay (VD).
1976 Fonde PX Precinox à La Chaux-de- Fonds.
2012 Création d’une chaire de métallurgie en collaboration avec l’EPFL.
2013 Transmet la direction de PX Group à ses deux fils. 2015 Création de PX Perumet S.A.C. à Lima (Pérou)
Aline Bassin
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